• ALBERT KAHN

     

    ALBERT KAHN

     

     

    Albert Kahn (1860-1940)


    Une enfance alsacienne

    Albert Kahn est né Abraham Kahn le 3 mars 1860 à Marmoutier, dans le Bas-Rhin. Sa famille est relativement aisée. Son père Louis est marchand de bestiaux ; sa mère Babette Bloch est sans profession. Albert est l’aîné de quatre enfants. Il n’a que dix ans quand sa mère décède.

    La famille vit un nouveau bouleversement, quand, à l’issue de la guerre franco-allemande de 1870, le traité de Francfort de 1871 attribue à l’Allemagne l’Alsace et une partie de la Lorraine. Comme de nombreux Alsaciens, une partie de la famille Kahn choisit de rester française ce qui la contraint à quitter leur village en 1872, pour s’installer hors des « provinces perdues », à Saint-Mihiel, dans la Meuse. Le jeune homme poursuit sa scolarité au collège de Saverne, de 1873 à 1876.

    Vers Saverne, Marmoutier, Bas-Rhin, octobre 1919

    Autochrome Georges Chevalier (inv A. 18704)

    © Musée Albert-Kahn - Département des Hauts-de-Seine

    Un banquier dans la cité

    À son arrivée à Paris, à l’âge de seize ans, Abraham Kahn adopte pour prénom d’usage Albert.

    Sa vie professionnelle débute chez un confectionneur de la rue Montmartre puis se poursuit à la banque des frères Charles et Edmond Goudchaux comme employé.

    Tout en gagnant sa vie, Kahn reprend ses études. Mais il a besoin d’un répétiteur pour le soutenir dans son effort. Il est mis en rapport avec un jeune homme brillant, d’un an son aîné, Henri Bergson, qui vient d’entrer à l’École normale supérieure. Leurs rapports de précepteur à élève se transformeront rapidement en une amitié forte et durable, dont témoigne leur correspondance.

    Malgré les longues heures à la banque et les voyages professionnels, Albert Kahn réussit ses baccalauréats de lettres (1882) et de sciences (1883) et entreprend des études de droit. Il obtient sa licence en 1885.

    À la banque Goudchaux, Kahn se signale dès l’âge de 21 ans par ses talents. En quelques années de 1889 à 1893, il bâtit une fortune en spéculant sur les mines d’or et de diamants d’Afrique du Sud.

    Albert Kahn devient associé principal du banquier Edmond Goudchaux. En 1893, il loue une maison au 6 quai du 4-Septembre à Boulogne-sur-Seine. Devenu propriétaire de la maison, il débute la constitution de ses jardins, qu’il achète parcelle après parcelle.

    En 1898, Albert Kahn fonde sa propre banque d’affaires, la « banque Kahn ». Elle est installée au 102 de la rue de Richelieu à Paris. La banque prospère, collabore avec des établissements financiers bien établis et apparaît dans des syndicats de placement au bénéfice de projets industriels ou d’emprunts nationaux et internationaux, japonais notamment.
    La banque Kahn s’assure aussi des revenus générés par les transactions sur toutes sortes de valeurs spéculatives, cotées ou non en Bourse.

    L’aptitude d’Albert Kahn à détecter les hausses de valeur des titres est exceptionnelle. Le patrimoine de la banque et celui de Kahn augmentent considérablement et le financier jouit d’une excellente réputation en France et à l’étranger.

     

    ALBERT KAHN 

    La place de la Bourse, Paris, 1914
    Autochrome de Georges Chevalier, (inv.A 7 562).
    © Musée Albert-Kahn - Département des Hauts-de-Seine

     

    Une oeuvre en faveur de la paix

     

    Dès le 10 février 1887, Albert Kahn écrit à Bergson : « cela va assez bien en ce qui concerne les affaires mais, vous le savez, ce n’est pas mon idéal {…} ».

    L’homme mûr, le banquier qui a réussi, va donc consacrer sa vie et sa fortune, entre 1898 et 1931, à l’établissement de la paix universelle.

    Pour cela, Albert Kahn crée de nombreuses institutions destinées à favoriser la compréhension entre les peuples et la coopération internationale : ses « bourses Autour du Monde » offrent à de futurs enseignants l’opportunité de voyager et de découvrir les réalités du monde. Ces boursiers confrontent leur expérience avec des sommités intellectuelles de l’époque au sein de la « Société Autour du Monde » ; un « Comité National d’Études Sociales et Politiques » (C.N.E.S.P.) compare les solutions apportées aux maux de l’humanité dans divers pays, appuyé par deux centres de documentation sociale ; « les Archives de la Planète » recensent en photographies couleur et films noir et blanc les aspects de la vie dans les cultures humaines. Et aussi la création d’une chaire de géographie humaine à la Sorbonne, la création du Comité du Secours national pour aider les victimes civiles de la Grande Guerre, un laboratoire de Biologie pour perfectionner la microcinématographie, un centre de médecine préventive pour les étudiants. Des œuvres qui contribuent à éveiller la conscience et aiguiser le regard des élites de l’époque et qui tenteront d’être pérennisées dans la Centrale de Recoordination. 

     

    Le Krach boursier et ses conséquences

     

    Le krach boursier de 1929 porte un coup fatal à la fortune du banquier âgé alors de 69 ans. A l’instar d’autres banques françaises, la banque Kahn enregistre un premier déficit à la fin de 1930, nettement aggravé à la clôture de l’exercice suivant.

    En 1931, seuls trois opérateurs travaillent encore aux Archives de la Planète ; la société Autour du Monde connaît des difficultés de trésorerie ; les bourses de voyages s’arrêtent, ainsi que les débats du CNESP.

    Pour réinjecter de l’argent, Albert Kahn hypothèque entre fin 1930 et 1932, les propriétés de Boulogne et du Cap Martin. Puis les fonds propres ne suffisent plus ; Albert Kahn nantit les titres auprès d’autres établissement financiers ; les valeurs continuent de s’effondrer ; il est acculé. Ces créanciers assignent Albert Kahn en justice. En 1932, la banque d’Albert Kahn est déclarée en faillite. Les biens d’Albert Kahn sont peu à peu saisis et vendus aux enchères en 1933 et 1934.
    Une partie de la propriété (comprenant les collections de photographies et de films) est achetée par le département de la Seine.

    Albert Kahn conserve l’usage de sa maison de Boulogne, bien qu’elle ne lui appartienne plus. En 1937, les jardins sont ouverts au public. Dans la nuit du 13 au 14 novembre 1940, Albert Kahn meurt dans sa maison de Boulogne, à l’âge de 80 ans.

    L'homme Albert Kahn

     Albert Kahn, se tenant souvent en retrait, refusant de parler de lui-même, a rendu difficile l’écriture de sa biographie. L’on sait néanmoins selon différents témoignages qu’il s’exprimait avec un accent alsacien très prononcé. Il s’habillait toujours fort simplement et son ascétisme se manifestait dans de nombreux aspects de sa vie. On sait qu’il avait des chiens et qu’il était végétarien.

    Ses journées commençaient à cinq heures du matin. S’il avait choisi de vivre seul, il lui arrivait de recevoir quelques amis comme Bergson ou Rodin, auquel il acheta quatre marbres. Joueur de piano (dont il prenait des leçons le mercredi), il assistait régulièrement à des concerts notamment au festival de Bayreuth.

    Albert Kahn alterne déplacements d’affaires et voyages d’agrément, mais le plus souvent paraît cumuler les deux. Entre 1886 et 1912, il voyage en Europe, au Venezuela, en Égypte, en Russie, au Japon, effectue un tour du monde entre novembre 1908 et mars 1909 et passe par les États-Unis et Hawaï, mais aussi la Chine, l’Asie du sud-est et l’Inde. Il va aussi en Uruguay, en Argentine et au Brésil.

    « J’ai beaucoup voyagé, nous dit-il, j’ai beaucoup lu et j’ai connu tous les grands hommes de mon époque {…} ; ce que j’ai cherché, c’était le chemin de la vie et les principes de fonctionnement ; or, plus j’ai avancé dans la vie et plus j’ai vu la hardiesse et l’extrême difficulté de cette tâche. {…} Essayer de tâcher d’y arriver, reste le plus noble devoir de l’homme.» Albert Kahn In France Japon n°32 du 15 Août 1938

    Albert kahn et le Japon

      

    ALBERT KAHN

    Un attachement particulier

    « Je suis allé à deux reprises au Japon ; j’aime tout particulièrement ce pays et c’est pour cela que j’ai voulu poser ici près de ma demeure, un coin de la terre japonaise. Ma nature a de grandes affinités avec la sensibilité des Japonais et j’apprécie tellement le calme et la douceur de leur façon de vivre. C’est peut-être aussi pour retrouver cette atmosphère qui m’est si familière que j’ai voulu vivre parmi les fleurs et les arbres du Japon »
    Albert Kahn interviewé pour la revue France-Japon, 15 Août 1938.

      

      

      

      

      

      

      

    Un « banquier japonisant »

    En tant que banquier, Albert Kahn entretient des relations privilégiées avec le Japon. Au cours de déplacements au Japon qui cumulent voyages d’affaires et voyages d’agrément, il noue des liens forts avec des Japonais.

    Si l’on a peu de détails, on pense néanmoins que son action a été remarquable puisqu’à l’occasion d’un déjeuner qui lui était offert par l’Université de Tokyo, lors d’un séjour au Japon entre 1908 et 1909, « trois coupes en or lui sont remises de la part du Mikado {soit l’Empereur, lui-même} ». Puis, au cours de ce même séjour, il est photographié en tant que délégué d’un groupe de capitalistes français pour le journal L’Illustration en compagnie du comte Shigenobu Okuma (deux fois premier ministre du Japon, président de l’Université de Waseda), de M. Naruse, recteur de l’Université, du Baron Motono, ancien ambassadeur du Japon en France, de M. Gérard, ambassadeur de France au Japon, et de MM. Okura, Morimura et du baron Matsuo, financier.

    Un « philanthrope japonisant »

    Les voyages au Japon qu’effectue Albert Kahn et la création de son jardin japonais peuvent être mis en parallèle. Au retour d’un premier voyage, le banquier lance la construction de la première partie de son jardin nippon en 1897, jardin que des « artistes japonais viendront spécialement dessiner et planter ».

    La seconde partie est mise en travaux durant l’hiver 1908-1909, au moment où Albert Kahn visite l’empire du Soleil Levant, lors d’un voyage autour du monde. Le journal de bord tenu alors par son chauffeur et photographe Albert Dutertre confirme ses nombreuses visites dans les jardins et les hauts lieux japonais. Là, il a pu en apprécier toute la subtilité qu’il retranscrit dans son jardin à Boulogne.

    Son amour pour la culture japonaise est inscrit dans son jardin de Boulogne mais aussi à l’École normale supérieure de jeunes filles de Sèvres, à qui il offre un jardin japonais en 1925. Il charge alors son propre chef jardinier à Boulogne – Louis Picart – des travaux de construction.

     

    "Un mécène japonisant"

     

    En 1906, Albert Kahn fonde les bourses Autour du Monde au Japon qui seront attribuées dès 1907. Parmi les 18 lauréats beaucoup s’illustrèrent par la suite dans l’histoire intellectuelle ou politique de leur pays. On compte, entre autres, six professeurs de droit, trois professeurs d’économie politique, deux professeurs d’histoire du Japon, deux de pédagogie, un professeur de sciences religieuses, un professeur de statistiques et un professeur de littérature chinoise.

    Le Prince Hirohito, à l’époque héritier du trône, effectue pendant l’été 1924 une visite à Weitbruch, en Alsace, en compagnie d’Albert Kahn. Le futur empereur veut connaître la vie d’un petit village d’Alsace. Quant à la princesse, elle s’intéresse à l’école communale. Ils vont aussi à Vittel et à Saverne.

    La Société Autour du Monde semble être elle aussi marquée par l’attachement d’Albert Kahn pour le Japon. De nombreuses grandes personnalités japonaises ou japonisantes en sont membres ou invitées.

    Parmi les français amoureux du Japon, on trouve Paul Claudel, ambassadeur de France à Tokyo de 1921 à 1927, invité en 1921 ou Louis Gonse, historien de l’art, rédacteur en chef de la
    Gazette des Beaux-Arts, l’un des premiers grands collectionneurs d’art japonais, invité en 1913 et 1916.

    Parmi la quarantaine de personnalités japonaises, on trouve :

    - Des membres de la famille impériale (notamment deux filles de l’Empereur Meiji et leurs époux) ou de la noblesse,

    - Des diplomates, que ce soient de nombreux ambassadeurs du Japon en France tel le Baron Ichirô Motono. Mais aussi, les membres de la délégation du Japon à la conférence de la Paix de 1919, le secrétaire général de la SDN, etc.

    - Des financiers par exemple le chef du trésor national,

    - Des artistes comme Foujita, le peintre devenu une figure du « Tout Paris ».

      

      

     

     

      SOURCES : http://albert-kahn.hauts-de-seine.net/albert-kahn/albert-kahn-et-le-japon/

     

     

     

     

     

     

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